“Nous devons sérieusement réfléchir à ce que nous voulons faire de l’IA”

Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de votre expertise dans le domaine de l’intelligence artificielle et des usages numériques ?

Bien sûr. Mon parcours est un peu atypique, et je pense que c’est ce qui fait ma force dans ce domaine. À l’origine, je suis agrégé d’histoire, avec une formation profondément ancrée dans l’éducation nationale française. Pendant vingt ans, j’ai évolué dans l’univers de l’éducation, où je me suis passionné pour deux sujets principaux : l’innovation dans la formation et la pédagogie. Mon intérêt se concentre principalement sur la manière de transmettre des connaissances de la façon la plus efficace possible dans une société qui évolue constamment.

Puis, après ces vingt ans d’expérience dans le secteur public, j’ai décidé de passer de l’autre côté, vers la technologie. J’ai rejoint Microsoft en tant qu’expert pour travailler sur l’implémentation des usages numériques, au moment où les premiers environnements numériques de travail faisaient leur apparition. Ce fut une période fascinante d’innovation et de découverte. Après Microsoft, j’ai eu l’occasion de travailler avec Apple et Google sur des projets similaires. Dans ces entreprises, j’ai pu constater que le problème majeur n’était pas seulement d’introduire de nouvelles technologies, mais surtout d’accompagner les utilisateurs dans leur utilisation quotidienne de ces outils. C’est alors que j’ai pris conscience que mon expertise devait se concentrer moins sur la technologie elle-même et davantage sur la manière d’adapter n’importe quel système technologique à des usages spécifiques et sur la création d’une expérience utilisateur enrichissante.

L’arrivée de l’intelligence artificielle (IA) a introduit une nouvelle dimension à ces problématiques. L’IA, qui fonctionne de manière similaire à un cerveau humain, promet de révolutionner de nombreux métiers dans les années à venir. Mais il est essentiel de savoir comment accompagner les gens dans la compréhension et l’intégration de cette technologie. C’est pourquoi, aujourd’hui, je me concentre sur l’acculturation à l’IA et aux usages numériques pour que chaque personne puisse en saisir le sens et l’intérêt.

Comment s’est faite la transition d’un homme de l’éducation à un expert en technologie de pointe ? Qu’est-ce qui a motivé ce changement ?

Deux éléments principaux ont motivé cette transition. Tout d’abord, ma passion pour l’enseignement et l’innovation. Je me décris souvent comme un « enseignant-entrepreneur » ou un « entrepreneur-enseignant ». J’aime créer, innover et transmettre des connaissances. J’ai réalisé que je pouvais utiliser mes compétences pédagogiques au-delà de l’éducation des jeunes pour m’adresser également à un public adulte. C’est cette prise de conscience qui m’a poussé à faire le grand saut dans le monde de la technologie.

Ensuite, en travaillant avec des géants technologiques comme Microsoft, Apple, Google et d’autres, j’ai vu une opportunité d’apporter une nouvelle perspective sur la manière dont ces technologies pouvaient être utilisées de façon plus intelligente et plus humaine. Mon esprit, naturellement orienté vers la polyvalence, me permettait de faire des liens entre différentes technologies et de les combiner pour créer de nouvelles solutions. La transition n’a pas été facile, passant d’un statut de fonctionnaire à celui d’entrepreneur, mais elle était nécessaire pour apporter une nouvelle vision à un secteur qui évolue très rapidement.

Nous vivons dans un monde, aujourd’hui, où l’évolution technologique et les changements géopolitiques rendent difficile le fait de se limiter à un seul métier. Partagez-vous ce point de vue ?

Je suis tout à fait d’accord. Nous avons récemment travaillé, en France, sur un projet concernant la formation professionnelle, et nous avons conclu qu’il est impératif de former les gens aux compétences plutôt qu’à un métier unique. Cela signifie que, dans le futur, une personne pourrait être boulanger le matin, enseignant de mathématiques l’après-midi, et journaliste le soir. Pourquoi ? Parce que ce sont les compétences transversales, les ‘soft skills’, qui détermineront les capacités d’une personne à exceller dans divers domaines.

L’IA joue un rôle fondamental dans ce changement de paradigme. Elle permet à chacun de se réinventer et de diversifier ses activités. C’est pourquoi il est essentiel de réviser notre approche de la formation et d’être visionnaire pour anticiper les métiers de demain. Le défi consiste à ne plus seulement enseigner des métiers du XXe siècle, mais à préparer les individus aux multiples opportunités du XXIe siècle.

La vraie question est de savoir si l’IA doit être au service de l’humanité, ou si c’est l’inverse

Quels sont les principaux objectifs de cet atelier sur l’IA et les ressources humaines ?

L’objectif principal de cet atelier est d’aider les participants à comprendre le sens et l’importance de l’IA, ou ce que j’appelle « l’acculturation à l’IA ». Nous devons saisir ce qu’est réellement l’IA et comment elle peut nous être utile. L’un des aspects cruciaux est d’apprendre à poser les bonnes questions à l’IA pour obtenir les réponses les plus pertinentes, ainsi que de savoir comment chercher et utiliser les bonnes données pour des solutions spécifiques. Aujourd’hui, il y a une nouvelle IA créée presque tous les jours, ce qui signifie que les possibilités sont infinies. 

L’atelier proposera des sessions pratiques où les participants pourront tester des outils d’IA en fonction de leurs besoins, qu’ils soient dans le marketing, les ressources humaines, ou tout autre domaine. L’objectif est de rendre les participants autonomes et capables d’exploiter pleinement le potentiel de l’IA dans leur contexte professionnel.

Certains craignent que l’IA puisse un jour échapper à notre contrôle, comme dans certains récits de science-fiction. Est-ce une réelle possibilité ? 

Oui, cette possibilité existe, mais elle peut être gérée. Par exemple, l’un des créateurs de ChatGPT a quitté sa propre entreprise car il avait peur des implications de la technologie qu’il développait. Cela montre que même les experts reconnaissent les risques. Cependant, je crois fermement que si nous mettons en place les bons protocoles et des cadres de fonctionnement appropriés, nous pouvons éviter ce scénario. La vraie question est de savoir si l’IA doit être au service de l’humanité, ou si c’est l’inverse. 

Nous vivons dans une période de crise existentielle parce que le monde change plus vite que nos capacités intellectuelles. Nous devons réfléchir sérieusement à ce que nous voulons faire de l’IA et comment elle peut servir nos objectifs. Si nous restons vigilants et préparés, nous pourrons maîtriser cette technologie.

Comment l’IA est-elle actuellement utilisée dans le domaine des ressources humaines ?

L’IA transforme radicalement le paysage des ressources humaines en permettant une gestion plus efficace des données. Par exemple, l’IA peut automatiser le tri des candidatures à l’aide d’algorithmes d’apprentissage automatique, ce qui permet de gagner du temps et de réduire les biais humains. L’IA peut également aider à identifier des talents que les recruteurs pourraient manquer en raison de préjugés inconscients ou de limitations temporelles. 

Cependant, son utilisation doit être accompagnée d’une réflexion sur la protection des données et la cybersécurité, car ces technologies traitent une quantité énorme d’informations personnelles.

Quels outils seront présentés pendant l’atelier ?

Nous allons nous concentrer sur plusieurs outils d’IA qui sont déjà largement utilisés. Nous commencerons par explorer ChatGPT, qui a été largement adopté grâce à son expérience utilisateur intuitive et puissante. Nous allons également examiner les outils de copilote de Microsoft, intégrés dans M365, et les fonctionnalités de Google Gemini. L’objectif est de comprendre comment ces outils peuvent être appliqués dans des contextes professionnels variés.

Ensuite, nous passerons à l’utilisation de modèles de langage (LLM) et d’outils plus spécialisés comme les systèmes de suivi des candidats (ATS), pour démontrer comment les technologies d’IA peuvent être utilisées pour répondre à des besoins RH précis.

Pensez-vous que l’évolution technologique, et en particulier l’IA, pourrait aider ceux qui ont été marginalisés par le système éducatif ?

Oui, absolument. Je suis convaincu que l’IA pourrait jouer un rôle majeur dans la redéfinition du système éducatif. Actuellement, nous avons un système qui repose sur des modèles obsolètes, conçus pour former des travailleurs d’usine du XIXe siècle. L’IA pourrait nous aider à identifier les talents individuels et à offrir un enseignement personnalisé qui correspond mieux aux besoins de chaque élève. Cela pourrait également permettre d’inclure des personnes qui, aujourd’hui, sont laissées pour compte par le système éducatif traditionnel.

Comment cet atelier s’inscrit-il dans la mission de votre organisation ?

Ordisys est une société française qui se spécialise dans l’éducation et l’intégration de solutions technologiques, de l’infrastructure à l’utilisateur final. Nous travaillons en partenariat avec Uniciti pour développer des modèles éducatifs novateurs qui intègrent ces technologies. Notre mission est de créer des usages adaptés pour chaque environnement et de collaborer à l’international pour apprendre et innover ensemble. 

Je suis convaincu que Maurice, grâce à sa diversité, son dynamisme et son développement rapide, est un espace privilégié pour concevoir et mettre en œuvre de nouvelles approches éducatives qui pourraient ensuite inspirer d’autres régions.

Quelles compétences les participants acquerront-ils à l’issue de cet atelier ?

Les participants repartiront avec une compréhension complète de ce qu’est l’IA, de son fonctionnement et de son utilisation potentielle dans leurs métiers et à titre personnel. Ils apprendront à créer des ‘prompts’ efficaces, à utiliser des IA génératives dans différents contextes, et à penser de manière critique aux possibilités offertes par cette technologie.