Back to Bizweek
SEARCH AND PRESS ENTER
Latest News

“La planète de demain, c’est notre planète.  Les pays émergents ont leur mot à dire”

LAETITIA HABCHI, Directrice de l’Agence Française de Développement à Maurice
LAETITIA HABCHI, Directrice de l’Agence Française de Développement à Maurice

Dans un entretien à BIZWEEK, Laetitia Habchi, Directrice de l’Agence Française de Développement (AFD) à Maurice, souligne l’urgence d’adapter nos plans et investissements face aux risques climatiques. Elle insiste sur le rôle crucial des Institutions Financières de Développement (DFI) dans ce processus. La Directrice de l’AFD met également en avant les liens forts entre la France et Maurice, exprimant sa confiance en la poursuite de leur partenariat. Elle plaide pour une stratégie de développement au niveau national, incluant un partenariat avec la banque centrale pour intégrer les risques climatiques et les rôles sociétaux. Reconnaissant les débats internationaux sur l’intégration des facteurs ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) dans l’évaluation du risque de crédit, elle affirme que les nouvelles entreprises innovantes ont un rôle à jouer dans la lutte contre le changement climatique.

Vous étiez l’une des panélistes de l’ESG Summit et vous avez fait référence aux ‘Smart Cities’ et au changement climatique. Pourriez-vous revenir sur la question?

Je ne pointe pas du doigt un projet en particulier, mais quand vous regardez la presse après le cyclone qui vient de passer (Ndlr: le cyclone Belal), c’est clair qu’on ne peut pas toujours dire que c’est le changement climatique. C’est trop abstrait. Souvent, c’est quand même des problèmes de planification ou d’investissements qui ont été faits n’importe comment, sans vérifier le risque climatique, et sans trouver une réponse à la question: qu’est-ce qui se passe s’il y a un cyclone ?

 

Et si vous aviez à résumer votre présentation lors de l’ESG Summit (Ndlr: qui s’est tenu le 30 janvier à Maurice)?

Il n’y a pas de planète B, ‘DFI (Ndlr : Development Finance Institutions), be careful, you have to simplify your process’, et l’adaptation est une urgence pour Maurice. Ce sont mes trois points.

 

Il y a presque 50 % de la planète qui va voter cette année. Il y a des pressions pour que les ‘talks’ soient différentes avec des données, des tendances et des discours pas forcément gentils.

 

Vous avez souligné qu’il y a toujours débat lorsqu’on parle de lignes de crédit et d’allocation de fonds. Des intervenants ont fait ressortir que Maurice est l’un des pays vulnérables. Mais on n’entend plus la voix d’autres petits Etats, comme ceux des Caraïbes, lors des sommets. Cela signifie-t-il qu’il y a un manque de coordination entre les petits États. Et qu’en est-il de la relation entre l’AFD et Maurice sur ce plan?

La France et Maurice ont une langue commune. Nous avons une longue histoire. Notre partenariat culturel, économique, et nos racines sont tellement fortes que cela aura un impact sur l’ensemble. Maurice est un pays solide et une place financière internationale importante. L’AFD, en tant que banque internationale, trouvera toujours son compte à négocier et à être partenaire de Maurice, quelle que soit la situation.

 

Par rapport au changement climatique et à l’ESG, comment l’AFD considère-t-elle sa collaboration avec Maurice? 

On ne souhaite pas rester qu’au niveau des banques et de lignes de crédit adaptées. On sent bien qu’aujourd’hui, on doit aller à un niveau national, qu’une vraie stratégie de développement passe aussi par un partenariat avec la banque centrale, parce que c’est là où les choses sont dites, c’est là où les tendances sont données. Les banques ont bien conscience de la nécessité d’avoir un rôle dans la société, mais elles ne peuvent pas le faire seules, parce qu’elles ont leurs propres contraintes de banquiers. Je pense que tout le monde est prêt à avoir des ‘guidelines’, des taxonomies, des règles établies au niveau d’une banque centrale. Et c’est là où nous, on doit partager notre expérience. C’est là où on doit même regarder au-delà de Maurice, faire dialoguer les banques centrales pour que les banques centrales ne regardent pas que le risque de crédit, mais intègrent bien les risques climatiques et aussi le rôle sociétal.

 

Il faut savoir que là-dessus, tout le monde n’est pas d’accord. Par exemple, au Texas, il y a aussi des révolutions, des personnes au cœur de la finance qui disent que non, on doit rester sur le risque de crédit sans intégrer les ESG. Donc, ce sont des débats internationaux et ce sera le plus fort qui gagne. Je pense que le fait que des sociétés nouvelles et innovantes comme Care Edge prennent le sujet ESG au sérieux, et que l’initiative vienne des pays émergents, c’est vraiment un signe qu’il faut se dire ‘on s’y met, il ne faut pas avoir peur’. La planète de demain, c’est notre planète et les pays émergents et les pays pauvres ont leur mot à dire.

 

Nous avons écouté la présentation de la représentante du ministère de l’Environnement de Maurice, qui a souligné la situation tendue et les débats interminables autour du ‘Loss and Damage Fund’ lors de la COP 28. 

Je crois que le débat à la COP 28 était indispensable et que cela a donné des directions, mais il n’y a aucune raison pour que ce débat n’ait lieu que là. Ils n’ont qu’un type de solutions. Les vraies solutions vont venir de Maurice, de l’Inde, des pays émergents. Une société de rating comme celle qui vient de l’Inde est une indication que nous sommes dans le renouveau. Cette société de rating fait de la notation ESG le moteur de son business. Ce sera une vraie révolution.

 

On voit beaucoup de conférences par rapport à l’ESG. Mais à partir de là, comment faire ‘to walk the talk’.

Il faut presque croire que les choses se font par petits pas. C’est sûr qu’il n’y a pas un avant et un après. Quelque part, même s’il y a beaucoup de ‘talk’, il y a quand même quelque chose qui reste. Il faut croire à la marche du monde qui fonctionne comme ça. On n’a pas vraiment le choix, en fait, que de l’accepter. Mais ce n’est pas parce qu’il y a beaucoup de ‘talk’ qu’il n’y a rien qui se passe. Il y a presque 50 % de la planète qui va voter cette année. On sait qu’il y a des pressions pour que les ‘talks’ soient différentes avec des données, des tendances et des discours pas forcément gentils. Donc, si dans l’ESG, on reste dans le gentil, c’est pas si mal, en fait, parce que le monde peut devenir aussi très dangereux.

Skip to content