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“Avons-nous un “soft power” suffisamment développé pour attirer et convaincre ?”

Par le Dr Hans Seesaghur, spécialiste des affaires internationales et sinologue.

Ancien conseiller économique et commercial à l’ambassade de Maurice à Pékin.

Ancien représentant de l’Economic Development Board à Shanghai.

Le programme gouvernemental quinquennal présenté récemment, intitulé « A Bridge to the Future » met en avant, dans son troisième chapitre intitulé « A More Dynamic International Relations Strategy », une approche stratégique et ambitieuse pour nos relations internationales. Cette orientation marque indéniablement un pas dans la bonne direction, une vision claire qui répond non seulement aux défis actuels, mais qui contribuera également à construire des partenariats solides et durables pour notre avenir.

En 1968, juste après avoir obtenu notre indépendance, petit État insulaire ou non, nos leaders visionnaires avaient déjà compris l’importance cruciale des partenariats internationaux. Malgré les ressources limitées et le petit nombre d’ambassades mauriciennes à l’étranger à cette époque, ils ont parcouru le monde avec détermination, tissant des liens solides et forgeant des alliances essentielles pour le bien-être et le développement de notre jeune nation. Ils avaient compris qu’aucun pays ne peut prospérer seul et ont su poser les bases de notre place sur la scène internationale, avec pour objectif d’assurer un avenir prospère et durable à notre pays.

L’accent mis sur la création d’un Centre for International Strategic Studies et sur le capacity building’ pour moderniser le service diplomatique constitue une étape cruciale. Cela témoigne de la volonté de notre gouvernement de fonder enfin une politique étrangère sur des recherches solides, des analyses approfondies et des décisions éclairées.

Cependant, une question essentielle demeure : disposons-nous réellement des outils nécessaires pour maximiser notre influence sur la scène internationale ? Avons-nous un ‘soft power’ suffisamment développé pour attirer et convaincre ? Par ailleurs, avons-nous un personnel diplomatique polyglotte, capable de converser aisément dans les quatre autres langues officielles des Nations unies (espagnol, chinois, russe et arabe), ce qui est indispensable dans le cadre des négociations internationales ? Et enfin, avons-nous un département diplomatique doté de véritables ‘policy makers’, c’est-à-dire des experts en politiques publiques (public policy), capables de formuler des propositions innovantes et de les défendre efficacement ?

Le Rwanda, par exemple, a compris que ces outils sont indispensables. Au cours des cinq dernières années, son gouvernement a déployé un personnel diplomatique polyglotte, doté d’une connaissance approfondie des régions où ils concentrent leurs priorités stratégiques. En parallèle, ils ont considérablement renforcé leur ‘soft power’ sur la scène internationale, en promouvant une image de stabilité, d’innovation et de leadership, faisant du pays un modèle en matière de diplomatie proactive et de gestion stratégique. Tout récemment, le Rwanda a franchi une nouvelle étape en créant l’African School of Governance Foundation, en partenariat avec la Lee Kuan Yew School of Public Policy (LKYSPP) de la National University of Singapore, l’une des plus prestigieuses écoles de politiques publiques au monde. Ce partenariat illustre une vision proactive qui mise sur la formation des leaders africains pour relever les défis du continent tout en s’inspirant des meilleures pratiques internationales.

Côté ‘soft power’, prenons l’exemple de la Corée du Sud. En 2006, la société de divertissement sud-coréenne CJ E&M affirmait que bientôt, le monde entier regarderait « deux à trois films coréens par an, mangerait de la nourriture coréenne une ou deux fois par mois, regarderait un ou deux ‘dramas’ coréens par semaine et écouterait une ou deux chansons coréennes par jour ». Qu’en est-il aujourd’hui ? Ces prédictions, qui semblaient ambitieuses à l’époque, sont désormais une réalité indéniable. Leur succès repose sur une stratégie intégrée mêlant investissements massifs dans la culture, soutien gouvernemental, et promotion globale de leur identité nationale.

 

« Le Rwanda a franchi une nouvelle étape en créant l’African School of Governance Foundation, en partenariat avec la Lee Kuan Yew School of Public Policy (LKYSPP) de la National University of Singapore. »

 

Les Sud-Coréens, nos amis de longue date, avec qui nous entretenons des relations diplomatiques depuis 1971, pourraient-ils nous accompagner dans le renforcement de notre propre ‘soft power’?

Sans ces éléments clés, les ambitions affichées dans ce programme risquent de ne pas se traduire pleinement en résultats tangibles sur le terrain international. Il est donc impératif de réfléchir à ces lacunes structurelles et d’investir dans des solutions concrètes pour renforcer notre capacité à agir et à influencer.

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